«De deux mots il faut choisir le moindre.» disait Paul
Valéry. Celui qui parle hexagonal fait systématiquement le contraire. En
hexagonal, la France devient l'Hexagone.
Dans La langue française, atout ou obstacle, Charles Durand
commente ainsi le livre de Robert Beauvais sur l'hexagonal:
«En 1970, Robert Beauvais publiait "L'hexagonal tel
qu'on le parle». "L'hexagonal", d'après la définition de l'auteur,
est un langage qui dérive directement du français et semble, pour ses
locuteurs, être mieux adapté à la définition d'une grande nation moderne.
Écoutons Robert Beauvais
" Largement propagé par les moyens de diffusion
actuels, Presse, Radio et Télévision, l'hexagonal est en train de gagner les
masses auxquelles il s'impose par ces deux vertus à quoi le public
contemporain résiste difficilement : la laideur et la prétention. Mais
d'autres causes favorisent son développement ; parmi celles-ci notons en
premier lieu ce que j'appellerai le "syndrome du garde champêtre".
On sait que le garde champêtre et les autres assermentés en
uniforme ayant à choisir entre "nonobstant" et "malgré",
ou "subséquemment" et "ensuite" iront d'instinct vers le
plus redondant, cela en vertu de la fascination que les mots exercent, depuis
toujours, sur les âmes simples.
En raison de ce syndrome du garde champêtre, il y aura
toujours des gens pour penser que "ondée" est plus joli que
"pluie", qui préféreront "opuscule" à "petit
livre", "missive" à "lettre", «'expliciter" à
"expliquer" et "pinacothèque" à "musée",
"céphalalgie" à "mal de tête" et trouveront plus distingué
d'avoir une protubérance qu'une bosse.
Ce n'est pas sans raison que les médecins d'autrefois
parlaient latin : il est important de ne pas être compris si l'on veut être
respecté ; un médecin d'aujourd'hui qui prescrirait de l'aspirine perdrait les
neuf dixièmes de sa clientèle ; qu'il conseille des comprimés de rhinalgène et
le voilà réhabilité.
Robert Beauvais parle des restaurants qui rivalisent d'une
imagination sans frein pour composer leurs menus. Il cite les
"gastéropodes à la Charles le Téméraire" (Escargots de Bourgogne),
le "concentré occitan de fleurs des abysses" (Bouillabaisse) ainsi
que d'autres exemples tout aussi bouffons. Il explique qu'un des dogmes les
plus solidement ancrés dans la tête de l'honnête homme contemporain est qu'il
faut "comprendre son époque" ("être en prise directe avec
elle" en hexagonal !). Or, notre époque est celle des ordinateurs, des laboratoires
et des missiles, des sondages d'opinion, de la technicité et du progrès
"explosif' (selon les médias) des sciences. "L'honnête homme" de
notre époque se doit donc être scientifique et mathématicien. Malheureusement,
les neuf dixièmes de ceux qui manipulent un porte-plume en France (et
ailleurs), comme ceux qui prennent la parole à la radio et à la télévision,
n'ont des sciences qu'une notion assez rudimentaire. D'où, chez l'écrivain et
le journaliste, un complexe qui se traduit par une boulimie de mots savants, de
réminiscences scientifiques élémentaires et de mathématiques mal digérées.
Vingt-cinq ans plus tard, il est certain que ce que Robert
Beauvais a écrit peut être transposé facilement à l'anglomanie qui projette,
chez les esprits simples, une image de haute spécialisation et de technicité.
Cela facilite le travail du journaliste dans la mesure où il peut parler
abondamment de n'importe quel sujet sans en connaître grand-chose. Comme ce
langage est obscur, il donne l'illusion de la profondeur, car un écrivain qui
s'explique clairement passe pour superficiel. "L'instruction" devient
ainsi un moyen de dire des choses ordinaires avec des mots étonnants. Robert
Beauvais ajoute :
» Ajoutons à cela que l'obscurité est toujours payante : de
même que nous trouvons infiniment plus drôles les plaisanteries que nous
arrivons à comprendre dans une langue étrangère que nous parlons mal, par le
simple fait que nous l'avons comprise (et que nous y rions pour cette raison
dix fois plus fort qu'il ne serait justifié), de même une pensée exprimée en
hexagonal nous paraît cent fois plus profonde qu'elle ne l'est réellement, par
le simple fait que nous avons réussi à en saisir le sens..»
http://agora-2.org/francophonie.nsf/Dossiers/Hexagonal
http://agora-2.org/francophonie.nsf/Dossiers/Hexagonal
7 commentaires:
tout à fait !
merci !
et souvent ça frise le ridicule ou l'absurde
a contrario même avec mes pts bouts de 2 , 3 ans je donnais le "vrai terme " et pas un terme infantilisant ou gnangnan (tout en restant dans la compréhension générale pas besoin toujours des multiples détails qu'ils apprendraient plus tard)
un nouveau même long mot n'étant pas plus compliqué pour eux (et souvent ils étaient fiers d'en connaitre autant voir plus qu'un adulte !)qu'apprendre un terme bébé provisoire à désapprendre
ensuite
par ex des traits verticaux
un cocon ou une chrysalide de papillon un cercle etc etc !
" Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément."
ahhhhhhh je crois que ma moitié a la suite
" le français kiskose "
à suivre !! ;o)
Je le trouve très " carré" ce discours sur l' hexagonal, vraiment!
La langue française est une femme. Et, cette femme est si belle, si fière, si voluptueuse, si noble qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle.
(Anatole France)
Beaux mots Monsieur le bourdon !
ce constat fait de cette mutation linguistique se retrouve également dans l'industrie où de simples péquins se transforment dès qu'il ont une promotion au sein de l'entreprise.Une petite couche de vernis et voici comme j'aime à leur citer Alphonse Boudard et sa "Métamorphose des cloportes".
Aigreur d'un bourdon,peut-être? Mais,car il y en a un,comme le chantait Ferrat:
"En groupe en ligue en procession
En bannière en slip en veston
Il est temps que je le confesse
A pied à cheval et en voiture
Avec des gros des petits des durs
Je suis de ceux qui manifestent
Avec leurs gueules de travers
Leurs fins de mois qui sonnent clair
Les uns me trouvent tous les vices
Avec leur teint calamiteux
Leurs fins de mois qui sonnent creux
D'autres trouvent que c'est justice."
Bzzz...
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