vendredi 16 septembre 2011

le ver est-il dans le fruit ?

TENTACULAIRE MAIS PEU CRITIQUÉE

Apple, adulée par bien des journalistes, est intouchable.




Est-il encore envisageable de "faire du journalisme' lorsqu'on évoque Apple, firme avec laquelle la plupart des médias entretiennent des relations particulières, dépendant d'elle non seulement pour leurs revenus publicitaires, mais aussi pour leurs ventes "au numéro", à travers des "applications" sur iPhone, iPad, iPod et compagnie?
En juin 2011, Libération cédait à Apple, acceptant de se plier aux conditions imposées par la firme en proposant des abonnements "directement" dans une application média - pour son "kiosque numérique", lancé avec moult "confrères"...Quand Steve Jobs, le patron d'Apple, annonce son départ, le titre de Libé (encadré de "une", le 26 août est digne de Walt Disney "le départ du magicien Jobs" • En pages intérieures, c'est Le Nouveau Testament: "Le prophète Steve Jobs s'en va, Apple reste une religion" (sic), "Ce sont les adieux à la scène d'une icône planétaire de la high-tech qui a révolutionné tour à tour l'informatique, l'animation, le business de la musique avant de 'digitaliser' la manière de communiquer entre humanoïdes connectés" (resic), écrit lean-Christophe Féraud. Qui évoque le "départ en martyr d'un 'iProphète' survivant du cancer, que le peuple 'geek', croyant en la sainte trinité iMac-iPhone-iPad. a érigé en demi-dieu de l'ère numérique..." N'en jetez plus!
À peine moins dithyrambique, Le Figaro titre, en "une": "Le départ de Steve Jobs, génie de la révolution numérique" et, en pages intérieures: "L'homme qui a fait d'une entreprise une icône mondiale" Des réserves ? Il faut bien les chercher, pas loin de la fin de l'édito de Gaëtande Capèle: "(,..) Apple a créé de toutes pièces un véritable écosystème, dans lequel on communique, on joue ou on achète. Tout cet édifice, dont l'hégémonie devient par certains côtés un peu effrayante, est l'œuvre de Steve Jobs (...)". C'est tout? "Certains côtés" de cette "hégémonie" sont un peu "effrayants" ? Mais lesquels? Et qu'est-ce qui pourrait permettre à une telle "hégémonie" de ne pas être "effrayante" ?
Pour dénicher un édito qui soulève des questions, il faut lire La Tribune - ce que peu de gens font -, dont le directeur, Jacques Rosselin, évoque la "tentation des géants numériques", qui consiste à "enfermer leurs clients dans des 'écosystèmes' dans lesquels ils contrôlent tout, de la distribution physique du matériel à la facturation, et ainsi de se partager le marché. Cette dérive dangereuse est régulièrement dénoncée, à juste titre, par les défenseurs du logiciel libre et de la neutralité du Net. Apple, qui a une tradition de secret et de fermeture, devrait les écouter." Quand il est question d'Apple, la presse française ressemble au San Jose Mercury News, bible de la Silicon Valley : Jobs, est le prophète, Apple la religion unique...

Julien Giraud. (Le Monde des médias)


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