vendredi 21 janvier 2011

Mardi 25/01.

GÛNTER WALLRAFF est ce journaliste alle­mand devenu célèbre dans le monde entier, il y a vingt-cinq ans, en se faisant passer pour un Turc. Pendant un an, travaillant dans l'en­treprise sidérurgique Thyssen ou chez McDonald, se prêtant comme ses congénères aux pires expériences de cobaye hu­main pour les laboratoires pharmaceutiques, il a filmé clandestinement son expé­rience puis a tiré un livre de sa descente aux enfers, « Tête de Turc », qui s'est vendu à 5 mil­lions d'exemplaires dans 35 pays. Il avait déjà aupara­vant vécu des épreuves simi­laires. Pendant quarante ans, il a continué à explorer sous des identités diverses les bas-fonds de la misère et la terreur journalière à laquelle sont ra­baissés les individus contraints de s'y affronter.
Pendant une année, il vient de se glisser dans la peau d'un ouvrier somalien afin d'expé­rimenter le racisme et l'humi­liation au quotidien. C'est ce film que diffuse Arte le mardi 25 janvier, dans une « Thema » suivie d'un entretien avec le journaliste Thomas Kausch.
Wallraff ne manifeste pas une farouche gaieté • « Quand J'ai commencé, écrit-il, Je n'étais pas le seul à espérer un lent progrès vers un peu plus d'hu­manité et de justice. Je suis de plus en plus saisi par le doute. L'injustice a progressé, les conditions de vie ne sont pas devenues plus humaines, bien au contraire, »
Son « Kwami Ogonno » parle donc un allemand impeccable pour l'avoir appris à l'Institut Goethe de Dar es-Salaam. Nous le voyons tenter d'entrer dans une boîte de nuit. Ré­ponse goguenarde des crânes rasés musclés qui gardent la citadelle : « L'Afrique est aux singes, l'Europe est aux Blancs. »
A Cologne, il cherche un ap­partement. « Ce serait super si, à la fin, je découvrais que les Allemands sont devenus un peuple ouvert et hospitalier », rêve Wallraff pendant une séance de maquillage. Il erre cependant, touriste mal toléré, dans le parc d'un château de Basse-Saxe, Des braves gens inoffensifs préfèrent faire sem­blant de rentrer chez eux plu­tôt que d'avoir à partager un café avec lui. Il continue à sou­rire, impénétrable. Découvre une propriétaire éventuelle : « Le problème, dit-elle, c'est la couleur de votre peau. Des lo­cataires m'ont dit : "Si tu ac­ceptes des gitans, on fait les va­lises. " Alors, vous pensez, des Noirs ! »
Match de foot : Cottbus contre Dresdes. Dans les files d'attente, des supporters le
prient de dégager. A la fin du match : « Si tu veux savoir le résultat, t'as qu'à prendre un billet. »
Partout il se fera rembar­rer. Avec grossièreté la plu­part du temps. On lui offre une place dans un autocar, mais dans la soute à bagages. La police intervient mollement pour le protéger. Avec les bières, le ton monte. Heureu­sement, il y a encore les flics. Le lendemain, il déchantera en découvrant la brigade ca­nine de Cologne, Ils sont dres­sés pour choper les gens de couleur.
En Haute-Bavière, avec un copain bronzé, il demande un permis de chasse. Le respon­sable est sur le point d'appe­ler la gendarmerie. Et tout cela semble si paisible, telle­ment civilisé. Scène finale à Cologne, quand il invite dans un bar de nuit à danser une fille qui ne demande pas mieux. Il frôle le lynchage. On le fout à la porte.
Et chez nous ?
B. Th.

le canard enchaîne du 19.01.2011

1 commentaire:

Dominique Seidler a dit…

C'est un sacré bonhomme qui hélas nous confirme que l'homme est un loup pour l'homme !